(cf: photos Louisiane)

Vingt trois heures, Lafayette, Louisiane, Etats Unis.

Les tables du restaurant le « Blue dog cafe » commencent à se vider. 
Jeff est seul, assis ou plutôt avachi à une table. 
De vieux standards de jazz tournent en boucle dans la moiteur du soir. 

Il est face au tableau de George Rodrigue « The blue dog » et est totalement
hypnotisé, capté par le regard du chien, par ses étranges yeux jaunes.
L’ ambiance du tableau est crépusculaire. 
Le chien bleu est apparu dans un rêve au peintre alors que sa chienne Tiffany, épagneul nain continental papillon, venait de décéder. A cette époque, il cherchait l’inspiration pour un dessin de loup-garou afin d’illustrer un livre d’histoires de fantômes Cadiens. (1)

Jeff s’anesthésie comme tous les soirs à coup de cocktails Sazerac, Hurricane, ou
encore Vieux quartier selon son humeur vespérale.
Voilà plus de trois ans que Jeff se laisse aller. L’énergie lui fait totalement défaut. Sa douleur morale est immense et le paralyse. Son visage est figé, il est très amaigri, insomniaque, commence à négliger sa présentation. 
Cela fait bien longtemps qu’il a renoncé à se rendre à son travail malgré les encouragements de ses collègues et les sollicitations de son directeur. 
Journaliste à LPB (Louisiana Public Broadcasting) depuis plus de quinze ans, il a réalisé de très nombreux reportages sur l’histoire de la Louisiane, des Cadiens en particulier, et sur des événements culturels variés. Il aime surtout rencontrer les artistes : peintres, sculpteurs, écrivains, musiciens…
Ses reportages et ses documentaires sont très estimés  et largement diffusés. Son patron, qui l’apprécie sincèrement, lui garde toute sa confiance et a décidé généreusement de conserver son poste de travail en attendant son rétablissement et son retour. Il sait pertinemment par sa propre expérience qu’il faut lui laisser du temps.

C’est lors de la création d’un documentaire sur le travail pictural de George Rodrigue,
qu’ils se rencontrèrent et devinrent amis. 
Ces deux-là s’entendaient fort bien et partageaient la culture Cadienne. 
Un grand sens de l’humour les unissait et donnait lieu à des soirées mémorables car très animées et joyeuses.
Ils partageaient aussi de fameuses parties de pêche à l’écrevisse. Ils allaient le soir déposer les nasses. Ils connaissaient parfaitement les bons coins de pêche dans le bassin d’Atchafalaya.
Le lendemain, dès l’aube ils partaient relever les pièges. Ils pouvaient également pêcher à la balance au long de la journée. Les échanges allaient bon train et les blagues fusaient. Chacun évoquait ses meilleures anecdotes vécues dans le bayou, comment par exemple ils avaient capturé un jeune alligator gourmand, le nez pris dans une nasse ! 
Qui était tombé à l’eau en relevant une nasse !! 
Les écrevisses étaient nombreuses et voraces. La collecte était facile et le plus souvent abondante. Il fallait cependant respecter les règles de pêche et remettre à l’eau toutes celles qui ne faisaient pas la taille réglementaire. 
La vie était simple et douce. On pique-niquait sous les grands arbres en écoutant le chant du bayou. De retour à la maison c’était le grand festin. On accommodait les écrevisses à l’envi :
barbecue partie, écrevisses en beignets, ragoût…sans oublier d’inviter les amis et les voisins. 

Rodrigue avait ouvert en 1999 le « Blue dog cafe », restaurant-salle d’exposition où ses tableaux ornaient les murs. Jeff avait table ouverte et venait très souvent car il aimait l’ambiance décontractée du lieu et surtout l’excellente cuisine créole. Il a hélas perdu son précieux ami George en 2013. Le restaurant a été repris et conservé tel quel par ses fils. La survivance du lieu atténue un peu la tristesse et la peine de cette perte.

Né en 1975, Jeff a grandi dans la culture Cadienne. Ses ancêtres étaient des colons Français catholiques établis en Acadie. Les deux lignées sont arrivés en Louisiane, déportées par les Anglais durant la seconde moitié du XVIII ème siècle. Passé le choc de l’arrachement, du Grand Dérangement, l’attribution de terres permit aux deux familles le développement de fermes agricoles. L’élevage bovin apporta la prospérité au fil du temps et des générations. Cependant, au départ, les Cadiens passaient pour des paresseux car leur ambition se limitait simplement à la recherche du confort, du bien être de leur famille. Faire fortune n’entrait pas dans leur objectif.
Son père et sa mère ont pu étudier à l’Université et devenir professeurs, d’histoire pour l’un et de littérature pour l’autre. Dans cet environnement privilégié Jeff a très vite découvert et aimé les livres et les arts. 
L’admission à l’Université fut l’occasion pour lui de renouer avec le Français, langue interdite un temps, qui s’était un peu perdue au fil des générations. Il réussit un Master de Français ( langue Française, littérature et culture) et un Master de communication à l’Université de Louisiane. Il ne rencontra aucune difficulté particulière au cours de ses études, la période des examens était toujours intense car il attendait systématiquement la dernière minute pour se mettre au travail.  
Ses années d’études furent très agréables : apprentissages passionnants, rencontres et amitiés nouvelles, fêtes nocturnes à répétition, sorties culturelles nombreuses. Il enchaîna ensuite avec un Master de journalisme audiovisuel à l’Université de Syracuse dans l’Etat de New-york, diplôme qui lui permit d’être facilement embauché à LPB. 
Lors de cette première séparation d’avec sa famille, Jeff était prêt et heureux de partir à la découverte de nouveaux horizons, de modes de vie et de pensées différentes. Les relations avec ses parents avaient toujours été assez simples car la confiance et la parole étaient primordiales pour eux. Les éventuels conflits ou les difficultés se réglaient  le plus souvent par des discussions autour d’une table.
Les parents avaient toujours été très attentifs à leurs enfants et très encourageants.
Quand sa grande soeur Edith, son ainée de quatre ans, fut adolescente, elle lui mena la vie dure.
Elle rabaissait, humiliait souvent ce petit frère embarrassant qui voulait tout savoir et envahissait son espace. Le temps et la maturité de chacun apaisa la relation. Edith avait quitté la maison familiale à la fin de ses études, s’était mariée avec un chirurgien spécialisé en cardiologie, puis trois enfants étaient venus au monde.
Edith était heureuse de sa vie  familiale et professionnelle. Elle occupait maintenant un poste de cheffe du marketing dans une société de cosmétiques et menait tambour battant cette vie bien remplie avec le soutien de son conjoint. 

Jeff échangeait régulièrement avec sa soeur par téléphone et aimait s’occuper de ses neveux et nièces. Il les emmènait fréquemment au cinéma, ou à des concerts de musique Cadienne ou de zydeco. Il adorait leur faire découvrir la riche flore et faune du bayou. C’était un plaisir partagé de naviguer au milieu des impressionnants cyprès chauves géants couverts de mousse espagnole, des palétuviers, des saules aquatiques, des lys, des lotus ou des jacinthes d’eau. Les animaux étaient nombreux et assez faciles à observer : héron gris ou bleu, balbuzard, ibis, aigle, cormoran, aigrette, ragondin, opossum, tortue, escargot géant et bien sûr le roi du bayou, l’alligator. Les enfants adoraient ces journées, au calme, sur l’eau, à observer, à sentir les parfums et écouter la mélodie du bayou. Bruissements d’ailes, cris, chants d’oiseaux, grognements des alligators dans l’air humide, clapotis, vaguelettes, plongeons dans l’eau témoignaient de la vie active du bayou. 
Les barbecues du week-end réunissaient souvent toute la famille.

Grand bel homme dégingandé, Jeff avait gardé jusque là un air d’éternel adolescent « rebelle», au sourire ravageur, ce qui agaçait souvent ses interlocuteurs. Cette attitude était souvent prise pour de l’arrogance. Il n’en était rien, il était curieux de tout, modeste, attentif aux autres, dynamique et enthousiaste. 

Dans sa vingt deuxième année, il rencontra Lucie. 
Ce soir là, comme très souvent, il se rendit au « Mahogany Jazz Hall », car il était friand des concerts en direct. Jazz, blues et zydeco  étaient ses musiques préférées. 
Lucie aussi adorait le jazz qui avait bercé toute son enfance dans les rues de la Nouvelle- Orléans. L’ambiance était particulièrement chaude et endiablée dans le club ce soir là. Les musiciens talentueux menaient un rythme d’enfer et exprimaient un grand plaisir dans leur jeu. Lucie, prise par l’atmosphère survoltée du lieu, se trémoussait en tous sens. Elle était très belle dans sa robe légère, inondée de sueur. Jeff, à quelques mètres de là, était plus calme. Seuls les battements de ses pieds témoignaient de l’envahissement intérieur de la musique. 
Soudain, elle avait perdu sa chaussure. Après un vol léger, elle atterrit aux pieds de Jeff ! Ces fichus mocassins en cuir blanc ne tenaient pas aux pieds ! Mais elle adorait ces chaussures souples à la fois chics et sportives. C’était un cadeau de ses parents pour son anniversaire. 
Jeff ramassa le mocassin affichant un large sourire et s’approcha d’elle. Découvrant son pied nu, il fut instantanément subjugué par la sublime beauté de sa cheville et de son pied.
Il associa immédiatement cette vision troublante à l’histoire de la courtisane Rhodopis. Ce conte Egyptien qui est probablement à l’origine de Cendrillon. 
Lors de son bain, un faucon déroba une de ses chaussures qu’il déposa au pied du pharaon. Signe des Dieux, il lança immédiatement la recherche de la propriétaire de la chaussure. Retrouvée, il tomba éperdument amoureux d’elle et l’épousa. A la fin de sa vie il fit ériger un tombeau, la pyramide de Mykérinos. Son père lui avait souvent raconté cette histoire pendant son enfance.
Plus encore, Jeff repensait avec émotion à sa lecture, au cours de ses études, du livre de Jensen : Gradiva «la femme qui marche ». Il était envahi par la réminiscence de l’image du bas relief du musée de Chiaramonti au Vatican. Il avait adoré ce texte et partageait maintenant avec le héros de la nouvelle, le même réel enchantement d’une rencontre inattendue.

Très ému, extrêmement timide, il commença à lui parler. Très vite ils s’isolèrent, loin
de la musique, la conversation roula sur des sujets variés. Ils se sentaient particulièrement bien ensemble. La soirée se termina par une agréable promenade au bord du Mississipi.
Inutile de préciser qu’ils étaient tombés instantanément amoureux.
Ne pouvant se passer l’un de l’autre, ils décidèrent de vivre ensemble et de se marier six mois plus tard. 

Lucie était une jeune femme blonde à la peau très blanche, mince, aux yeux verts, née en 1980. Ce n’était pas l’une de ces beautés glacées, sophistiquées, mais elle était pleine de charme, rayonnante, énergique, dynamique, pleine d’ironie sur la vie. 
Cela contrastait avec l’attitude de Jeff, plutôt posé, réfléchissant beaucoup avant de prendre la moindre décision. 
Les ancêtres paternels de Lucie étaient des migrants Allemands. 
Coté maternel, on retrouvait des origines Anglaises. Les générations suivantes avaient été totalement absorbées par la culture Cadienne. 
Ses parents tenaient un magasin de meuble qui leur assurait une vie confortable. La langue Allemande avait disparu au fil du temps, par contre la musique classique Européenne avait gardée une place de choix dans la culture familiale. 
Fille unique, elle avait grandi dans une famille aimante. Sa mère lui avait transmis le goût de la lecture, son père celui de la musique et des belles voitures. 
Après l’obtention de son Master en comptabilité et commerce, à l’Université de Louisiane,
elle commença à travailler dans un garage renommé pour ses restaurations de voitures
anciennes « The old factory ». Elle aimait son travail. Elle accueillait la clientèle, tenait la comptabilité, gérait l’organisation d’événements comme des rallyes ou des rassemblements de voitures anciennes.
Le travail était varié et il régnait une très bonne ambiance au sein de l’équipe professionnelle. 
C’est là qu’elle avait été séduite par une élégante Coccinelle modèle California de 1965, entièrement restaurée, de couleur gris taupe pour le toit, le capot, le coffre et les ailes. Le blanc des portes et des côtés rendait l’ensemble très chic. 
Son patron l’avait gâtée car il appréciait sa personne et son travail. Il lui avait fait un prix d’ami.

Jeff et Lucie s’étaient établis dans une grande maison en bois près de l’Université de Louisiane, à Lafayette. Ils aimaient ce quartier calme et fleuri qu’ils connaissaient bien depuis leurs études.
La maison, typique du sud, à une vingtaine de minutes du travail de Lucie, disposait côté rue d’une terrasse à colonnades où il faisait bon flâner le soir ou paresser dans les toujours populaires fauteuils Adirondack. On entrait ensuite dans une vaste pièce lumineuse, dont un grand salon, aux canapés confortables, occupait la partie droite. 
Une table ronde en bois formait la salle à manger dans la partie gauche. 
De part et d’autre des fenêtres, des livres envahissaient les murs du sol au plafond. 
A mi-hauteur face au grand  canapé trônait une belle collection de disques vinyles.
L’atmosphère était douce et chaleureuse. A l’arrière de la maison on trouvait une cuisine qui s’ouvrait sur le jardin, et le bureau où travaillait Jeff. 
Le jardin était petit mais très fleuri : la floraison des magnolias, des camélias, des azalées se succédait au fil des saisons. A l’étage se trouvait leur chambre, une salle de bain et une chambre d’amis.
Jeff et Lucie étaient heureux. Ils s’entendaient à merveille, partageaient tout.
Quelques disputes de-ci de-là n’entamaient en rien leur amour et leur joie d’être ensemble. Ils riaient souvent de bon coeur de leurs blagues. Elle savait manier une ironie féroce. 

Ils ne s’étaient jusque-là jamais trompés, amants fidèles, tendres et assidus. Lucie avait l’art de favoriser les situations érotiques. Jeff était dans l’ensemble moins créatif. Il ne pouvait résister bien longtemps à ses avances, envahi par son propre désir, même après une journée de travail harassante. 

Elle était souvent courtisée à son travail par les clients. Elle se montrait aimable,
plaisantait, mais posait des limites claires au bon moment et au bon endroit. Elle était aimée et respectée. Elle avait bien fantasmé une scène d’amour dans le grand hangar du garage au milieu de toutes ces belles automobiles. La reine du lieu était une magnifique Buick de couleur crème, Roadmaster Convertible de 1949, impressionnante décapotable d’une longueur incroyable avec sa calandre à dents chromées, ses pneus à flancs blancs et ses enjoliveurs chromés cerclés de rouge. Le capot géant ou la large et confortable banquette arrière en cuir fauve s’avéraient  fort tentants pour des ébats ! Elle trouverait sûrement un bon prétexte pour que Jeff la rejoigne un soir où elle allait assurer la fermeture du garage! 

Jeff, quant à lui, avait laissé passer quelques belles occasions lors de tournages car il ne souhaitait ni mettre en péril son couple ni déstabiliser sa précieuse équipe. Ils ne s’ennuyaient jamais ensemble et se réjouissaient aussi de retrouver leur famille ou leurs amis à l’occasion de barbecues ou de « fait dodo », soirées où ils pouvaient danser toute la nuit. Ils étaient tous deux aussi très fidèles en amitié et leur cercle d’amis était solide. Les sorties étaient nombreuses pour aller au cinéma, découvrir des expositions artistiques ou participer aux festivals de musique Cadienne : « Breaux bridge crawfish Festival », ou le « Louisiana Cajun Zydeco Festival » dans le parc Louis Armstrong par exemple. Ils n’auraient pour rien au monde raté ces sessions.
Chaque année, le dimanche avant mardi gras, ils se rendaient à Saint-Martinville pour participer aux traditionnelles festivités de la « Grande boucherie ». La communauté Cadienne se réunit alors pour tuer le cochon et partager les morceaux. 
Jeff s’affairait avec son oncle paternel Jean, boucher professionnel, à la découpe du cochon. Lucie rejoignait les femmes pour préparer le boudin, les saucisses, les gratons, les cracklins dans les grandes chaudières.
C’était l’occasion de retrouver la famille, les amis, et les voisins. Bavardages, échanges de nouvelles, mais aussi quelques médisances allaient bon train. La fête se poursuivait par un repas délicieux et bien sûr musiques et danses.

Ils continuaient de fréquenter les clubs de jazz de la Nouvelle-Orléans et les juke-joints du delta du Mississipi pour savourer et s’imprégner du blues traditionnel. 
Ils dînaient souvent en famille ou avec des amis au « Blue dog cafe ». 
Ils aimaient s’aventurer dans les bayous ou voyager, découvrir d’autres Etats américains. La devise de la Nouvelle-Orléans leur convenait parfaitement : « Let the good times roll/Laisser le bon temps rouler… »! 
Ils rêvaient également de découvrir l’Europe. 
La venue d’un enfant n’était pas à l’ordre du jour. Ils profitaient pleinement de leur indépendance, de leur liberté de mouvements. 
Jeff et Lucie ne comprenaient pas le racisme ambiant, ils rejetaient le colonialisme et la ségrégation. Ils se désolaient de constater la violence omniprésente dans ce pays. 
Ils n’oubliaient pas la douleur du « Grand Dérangement », le massacre des « natives » , populations Indiennes exterminées ou déplacées, les ravages de l’esclavage et du racisme…
Loin d’eux était le mythe de la conquête de l’Ouest, la glorification des hors la loi, des chasseurs de prime, des joueurs professionnels… 
Ils s’opposaient à une loi imposée par la force, par la puissance des armes, degré zéro de la démocratie. Ils militaient pour une régulation des ventes d’armes et participaient régulièrement aux manifestations anti-armes.

Jeff était aussi sensible à l’attrait, au charme de toutes ces magnifiques automobiles anciennes exposées sur le parking du garage où travaillait Lucie. 
Il venait la chercher de temps en temps quand ils avaient prévu une virée à la Nouvelle- Orléans. 
Ce jour là, il ne put résister à la beauté de la ligne d’une petite décapotable rouge : une magnifique Triumph TR3A de 1959 à l’intérieur en cuir noir. Les deux phares ronds, la calandre en aluminium, les roues à rayons, le grand volant, le tableau de bord avec ses gros compteurs tout ronds  enchantaient Jeff. Le moteur tournait parfaitement et produisait une jolie musique. La restauration était parfaite et soignée. Lucie était tout aussi enchantée. Elle négocia un bon prix. Affaire conclue !
Avec leur deux voitures de collection, ils participèrent avec grand plaisir à différents rallyes de véhicules anciens. Ils reçurent à plusieurs reprises le prix de l’élégance avec la petite auto rouge ! Non seulement la voiture était splendide, mais leurs tenues s’accordaient, s’harmonisaient parfaitement.
Elle portait par exemple une robe légère de mousseline crème avec un grand chapeau en organza à large bord, orné d’un ruban rouge assorti à la couleur de l’auto, et d’élégants escarpins. 
Lui était aussi très chic avec son blazer bleu marine , sa chemise blanche , son petit foulard de soie rouge autour du cou, son pantalon blanc, ses gants et ses mocassins de cuir blanc. Ils suscitaient toujours l’étonnement et l’admiration à leur passage. Simples et joyeux, ils aimaient ces rallyes, occasion de partages et de rencontres.
Ils roulèrent aussi vers la Floride, Tampa, Miami profitant du soleil et des immenses plages. Ils allèrent camper et randonner une semaine dans les Smoky Montains. Ils suivirent aussi la route du Blues, remontant le Mississipi jusqu’à Memphis. Tous deux appréciaient ces périples plus ou moins organisés, tous ces week-ends où ils partaient à l’aventure.
Plus de quinze ans déjà de vie commune, de bonheur et de joie, de partages des émotions.
Ils ressentaient toujours le même plaisir d’être ensemble.

8 mai 2015

Ce matin là, Lucie se préparait tranquillement pour se rendre au garage. 
Le temps était au beau fixe, pas un nuage à l’horizon. 
Elle portait un t-shirt fuchsia col en v avec une mini jupe blanche et des baskets assorties.
Son maquillage était discret, un peu de mascara pour allonger ses cils et un fard légèrement irisé sur les paupières. Sa coiffeuse avait réussi la semaine précédente une coupe de cheveux au carré qui lui allait à merveille. Elle n’avait pas pris le temps de se faire les ongles. Ses mains fines étaient couvertes de bagues : un brillant reçu pour ses fiançailles côté coeur et à droite, des bagues fantaisies, souvenirs de leurs voyages. Elle était sexy et dégageait une énergie contagieuse. 

Jeff adorait non seulement ses chevilles mais aussi son  style, son allure, son sourire éclatant . Ils partagèrent un copieux petit déjeuner et elle le taquina un peu : 
« Bravo Monsieur ! Vous êtes élu l’homme de ménage du jour : passer l’aspirateur au rez-de- chaussée, faire tourner le lave-vaisselle et le vider, mettre en route le lave-linge ! Courage , courage mon lapin ! »
Jeff  éclata de rire et s’écria d’un ton martial : 
« Yes sir, with pleasure sir ! ». 
En pantoufles, vêtu d’un vieux short et d’un t-shirt élimé au col, il allait travailler aujourd’hui à la maison, dans son bureau. Il préparait un documentaire sur l’écrivain James Lee Burke « poète du bayou », grand auteur de romans policiers dont la célèbre série Dave Robicheaux. 
Primé de nombreuses fois pour son oeuvre, plusieurs romans ont été adaptés à la télévision ou au cinéma comme  par exemple : « Dans la brume électrique » film réalisé par Bertrand Tavernier en 2008, à partir du roman « In the Electric Mist with Confederate ».
Ce travail le passionnait.
Lucie était joyeuse et amoureuse. Un long baiser fougueux précéda leur séparation. Le coeur léger, elle sauta dans sa voiture.

Pour se rendre au garage, elle rejoignit l’interstate 10 en direction de Bâton-Rouge. 
La circulation était dense mais fluide. 
A mi-parcours, arrivée au lieu dit:  « Pont Des Mouton » , un énorme camion, un Turnpike double, c’est-à-dire composé de deux remorques de quarante pieds chacune, se mit zigzaguer devant elle puis finit sa course en travers de la route. 

Lucie pila de toutes ses forces, mais la vitesse était trop élevée et la distance de freinage beaucoup trop courte. Les pneus crissèrent et la Coccinelle s’encastra violemment dans la première remorque produisant un horrible vacarme. 
La voiture suivante percuta, avec la même violence, l’ arrière de la coccinelle. 
Au total, une dizaine de  véhicules s’emboitèrent les uns dans les autres. 
Cet accident, d’une extrême brutalité, tua trois personnes et fit huit blessés. 

Lucie n’eut aucune chance contre ce camion de plus de quarante tonnes. 

Des cow-boys radieux au milieu des cactus du désert d’Arizona décoraient les faces latérales du camion. Des flammes géantes ornaient le capot et léchaient les deux portières de la cabine. 
Le chauffeur du camion était vivant, en très grande panique à l’arrivée des secours. 
L’accès à l’autoroute fut fermé par la police qui sécurisa la zone. 
Plusieurs brigades de pompiers arrivèrent en même temps sur place. Ils étaient stupéfaits en voyant l’ampleur du désastre. Cela faisait longtemps qu’ils n’avaient vu un tel carnage. 
Il fallut parer au plus pressé, vérifier qu’il n’y avait pas de risque d’incendie, ni de produits toxiques dans le camion, apporter les soins les plus urgents , réanimations cardiaques, stopper les hémorragies, poser des attelles pour les fractures visibles etc…
Les blessés furent progressivement désincarcérés par les pompiers dans la matinée.
Ambulances et hélicoptères assuraient le transport des blessés. 
Il fallut la journée entière pour dégager tous les véhicules et rétablir la circulation.  Au ballet des véhicules de secours succéda la rotation des dépanneuses et des camions grues pour évacuer toute cette ferraille enchevêtrée. 
La police annonça la terrible nouvelle par téléphone à Jeff au milieu de la matinée. 
Anéanti, abasourdi, totalement effondré il était envahi par une sale douleur, une déchirure intense, profonde, qui s’amplifiait et le ravageait. 
Dans un état second il appela immédiatement sa soeur et son meilleur ami Charles. 
La police avait interdit aux familles de se rendre sur les lieux. Edith et Charles lâchèrent immédiatement leur travail pour retrouver Jeff. 

La douleur était puissante pour eux aussi car ils adoraient Lucie. A leur arrivée, ils prirent Jeff dans leurs bras et le serrèrent très fort. 
Il ne voulait pas croire cette affreuse nouvelle mais la souffrance le ramenait immédiatement à la réalité. Ils essayèrent tant bien que mal de parler un peu, d’apporter toute leur affection et leur soutien. Edith prépara un thé et sortit du placard des petits gâteaux. Il fallait tenter de se restaurer un peu. 
En soirée, ils découvrirent le massacre au journal télévisé. 
Ils furent sidérés et atterrés de constater l’ampleur de la  destruction et de l’écrasement des véhicules. Le journaliste expliqua que l’accident était probablement dû à l’éclatement d’un pneu. 
Ils regardèrent aussi l’interview du chauffeur : professionnel de la route apprécié de
son employeur, il comptabilisait plus de trente ans de métier sans aucun accident grave. 
Les recherches de prise d’alcool, de médicaments ou de drogues s’avérèrent toutes négatives.
Le routier était un homme trapu, plutôt dégarni, d’une cinquantaine d’année, vêtu d’un jean noir, d’un t-shirt à l’effigie du groupe de rock ACDC et d’une paire de baskets blanches à la mode.
Il portait aussi une grosse chaine en or autour du cou munie d’un gros médaillon de Saint Christophe.
Il avait du mal à s’exprimer devant la caméra, plein d’émotions et visiblement rempli de culpabilité bien que sa responsabilité ne soit pas engagée.
Edith décida Jeff à ne pas rester seul et l’embarqua chez elle. 

Il ressentait une douleur grandissante au fil du temps. Il avait l’effrayante impression que son corps allait se briser, se disloquer en mille morceaux. 
Il ne put voir le corps de Lucie à la morgue, mais eût accès, plus tard, au rapport du médecin légiste : visage écrasé, multiples fractures de la face et du crâne, fractures des côtes, éclatement du foie et de la rate, hémorragie interne, enfoncement et embrochement des poumons, fracture fémorale droite…
La nausée envahit Jeff qui se précipita aux toilettes tant il était débordé par cette horrible lecture. 

La jolie voiture était partie à la casse. La police avait restitué le sac à main, les bijoux de Lucie et divers objets qui trainaient dans l’auto :
une paire de lunettes de soleil, un tube de rouge à lèvres, une brosse à cheveux, un paquet de chewing-gum, les clefs de la maison facilement identifiables par leur petit porte-clef au pompon en poil de lapin gris ainsi qu’une petite figurine articulée représentant le grand Elvis. Jeff avait offert cette amusante statuette qui se dandinait, dansait sur le tableau de bord en suivant les mouvements du véhicule, lors d’un séjour à Las Vegas. 
Il se remémora ce voyage,  l’émerveillement devant la nature lors de la traversée de la Vallée de la mort avant d’arriver au royaume du jeu et du spectacle.

Jeff était bien entouré de sa famille et de ses amis.

Puis se fut l’enterrement. 
La cérémonie se déroula à l’Eglise Sainte Mary située l’ouest de la ville. Edith avait tout
organisé avec l’accord  de Jeff et  des parents de Lucie. Inutile de préciser qu’ils étaient
effondrés d’avoir perdu leur fille unique et habités par un chagrin inapaisable. 

L’Eglise était une jolie construction en bois, en v inversé, comme une coque de bateau
à l’envers. Le lieu était apaisant par la chaleur du bois massif, et de beaux vitraux diffusaient une lumière très douce. 
L’espace intérieur était plein à craquer et le parvis envahi par la foule. 
Famille, amis, collègues, clients, communauté Cadienne, tous ceux qui appréciaient et aimaient Lucie étaient présents. Des discours élogieux se succédèrent tout au long de la cérémonie. Le prêtre, très sobrement, insista sur les grandes qualités humaines et la vitalité de Lucie. La famille, les amis, chacun rendit hommage à l’aimée et ponctua son récit de nombreuses anecdotes sympathiques et chaleureuses, de joyeux moments de vie partagée. 
Jeff, tout de noir vêtu, pris la parole et témoigna de son profond amour, des sanglots dans la voix. L’émotion était palpable. L’assistance était suspendue à ses paroles, le silence intense et l’attention à son comble. Les larmes coulaient à flots. 
Jeff fut très digne à la tribune, encadré, soutenu par sa soeur et son ami Charles. Son discours alla droit au coeur de chacun, touchant l’âme de tous en ce moment tragique. Les prises de paroles étaient entrecoupées de musiques. Les amis musiciens entamèrent les chansons préférées de Lucie :
« Les haricots sont pas salés, Colinda, Jolie blonde, Zodico stomp, des airs de blues aussi, The sky is crying,  Love in vain, et bien sûr pour terminer Lucy In The Sky With Diamonds dans une superbe version acoustique». 
La musique apaisait un peu l’intense émotion du moment.
La cérémonie terminée, la sortie de l’église fut des plus chaleureuses. La foule entoura la famille. Accolades, mains fermement serrées, embrassades, chacun témoigna de son soutien et de son empathie. 
Il fallait maintenant, rejoindre le parc Louis Armstrong à la Nouvelle-Orléans pour se rassembler et entamer l’ultime procession jusqu’au cimetière Saint Louis.
Un brass band allait accompagner la défunte jusqu’à la tombe dans la pure tradition Louisianaise.
Là-bas se trouvait le caveau familial, non loin de celui de la Reine du Vaudou : Marie Laveau.
Ces monuments funéraires sont érigés au-dessus du sol car le territoire de la Nouvelle-Orléans est située au-dessous du niveau de la mer et le cimetière est au-dessus de la nappe phréatique. 

De nombreuses personnes étaient venues jusque là. Les musiciens portaient de stricts costumes noirs, des cravates noires sur des chemises blanches et des casquettes noires à galon doré. Les souliers de cuir noir bien cirés brillaient sous le soleil. Ils marchaient en tête solennellement, alternant successivement, un pas en avant puis un pas à droite, un pas en avant puis un pas à gauche sur des airs très lents :  « Just a closer walk with thee, puis Nearer my God to thee… ». Ils mirent tout leur coeur dans leur interprétation. 
Un cortège conséquent suivait . Chacun était silencieux, sérieux, emmené par la puissante harmonie des trompettes, des trombones, des clarinettes, des saxophones, et de l’hélicon. La grosse caisse marquait le rythme.

Arrivés au tombeau, on installa le cercueil blanc de la défunte à l’intérieur puis chacun put dire un mot d’adieu et déposer une fleur. 
La cérémonie touchait à sa fin. Edith et Charles soutenait Jeff qui restait collé à la tombe.
Le brass band enchaîna avec des musiques plus rythmées et plus joyeuses pour accompagner le retour au parc : «  When The Saints Go Marching In, Didn’t He Ramble … ».
Des inconnus, suivant la tradition, se joignirent à la procession.

La suite se déroula chez les parents de Lucie qui avaient accepté d’organiser une collation dans leur propriété de Thibodaux. Leur jardin était magnifiquement fleuri par les pivoines, les azalées, les amaryllis et quelques rhododendrons. Lucie aimait beaucoup cet endroit ou plutôt ce parc avec ses chênes verts géants, ses cyprès chauves…Elle s’installait souvent sous l’arbre le plus haut et le plus vieux pour lire, rêvasser ou faire une bonne sieste.

La soirée se prolongea fort tard, largement arrosée d’alcool. Chaque personne présente avait été très attentive, tentant d’essayer d’apporter un peu de réconfort à Jeff et à ses beaux-parents.
Petit à petit, comme toujours, la vie reprenait le dessus. On riait de quelques bonnes blagues finement amenées. Le cercle amical se réduisit au fil des heures.
L’alcool aidant, Jeff s’endormit au milieu de la nuit chez ses beaux-parents.
Le réveil du lendemain s’annonçait difficile face au manque et à la solitude.
Edith avait insisté pour qu’il continue d’être hébergé quelques temps chez elle. 
Le refus avait été catégorique. Jeff voulait rentrer chez lui.

Le silence de la maison lui pesa immédiatement. 
Il cherchait à réentendre la voix de Lucie, surtout la garder dans sa tête le plus longtemps possible.
Il aimait l’écouter fredonner ou chanter certains jours de congés alors qu’elle poursuivait ses activités dans la maison. 
Elle semblait si heureuse dans ces instants précieux. 

Prendre les repas seul fut une terrible épreuve. L’appétit n’était plus vraiment là et Jeff ingurgitait n’importe quelle boîte de conserve sur un coin de table. 
Les prises d’alcool par contre s’intensifiaient.
Au fil du temps tout se dégradait, la maison n’était plus tenue. Elle était pleine de bouteilles vides qui jonchaient le sol. Les cendriers débordaient de mégots. L’évier de la cuisine regorgeait de vaisselle sale. Des vêtements trainaient aussi de-ci de-là. 
Jeff avait lâché son travail, il dormait le jour et ses nuits d’insomnie se multipliaient. 
Edith et ses plus proches amis avaient, en vain, tenter de l’aider, de lui fournir un accueil, il refusait tout. 
Le pire pour lui était peut-être de voir les élégants vêtements de Lucie rangés dans son armoire.
Rien n’avait bougé jusque là. Jeff ne pouvait se résoudre à donner ou jeter ces habits.
Il se remémorait les petits gémissements qu’elle émettait parfois pendant son sommeil. 
Il conservait précieusement son petit flacon de parfum sur l’étagère de la salle de bain et humait régulièrement l’élixir en fermant les yeux, mais cela n’apaisait pas sa souffrance.
De même, il retrouvait l’odeur de sa chevelure présente sur la brosse à cheveux. 
Edith avait dû se fâcher pour pouvoir changer les draps du lit conjugal car Jeff voulait conserver le parfum de Lucie, en particulier celui imprégné sur sa taie d’oreiller. 
Malgré les plus vives protestations de son frère, elle organisa l’intervention régulière d’une société de ménage. 

Cela faisait plus de trois ans que l’accident avait eu lieu.
Jeff était à la dérive, comme un noyé emporté par le courant du fleuve Mississipi et il finirait par disparaitre lentement dans l’océan.
Il cherchait toutes les nuits à retrouver le corps de Lucie dans le lit, il voulait se coller contre elle, lui chuchoter à l’oreille des mots d’amour, la serrer contre lui mais ses bras n’embrassaient que le vide soulignant cette cruelle absence. 
Désespérément, il recherchait le parfum de son cou, la douceur de sa peau. 

Il ne prenait plus aucune initiative hormis le ravitaillement en alcool. Il pouvait, pendant des heures, fixer le plafond. De temps en temps, il regardait les albums photos, sa joie était de courte durée et il retombait dans une mélancolie stuporeuse. Des idées suicidaires lui avaient bien traversé l’esprit mais il préférait poursuivre l’anesthésie par l’alcool et une perspective de mort lente. 

Il restait fasciné par la beauté des chevilles et des pieds de Lucie. Cette image resterait gravée à jamais dans sa mémoire. Ses parents se désespéraient de constater son état. Chacun avait tenté de le pousser vers un soutien psychologique, vers  un professionnel de la santé mentale  mais encore une fois sans succès. Hormis les sorties pour faire le plein d’alcool, restait seulement le rituel du « Blue dog cafe » où il se rendait régulièrement pour passer la soirée. Fini les soirées du samedi dans les clubs de jazz, rien ne fonctionnait plus. 

Ce soir là, il avait diné dans ce restaurant de son plat préféré : Crawfish étouffée. 
Une bouteille de Chardonnay blanc avait accompagné son plat après une bonne série d’apéritifs, deux ou trois  hurricane bien tassés. 
L’alcool imprégnait  tout son corps et anesthésiait sensiblement sa détresse. 
La salle du restaurant commençait à se vider à cette heure tardive.

Brutalement, la porte d’entrée s’ouvre, un énorme chien surgit, montrant les crocs. 
Il porte à son cou une grosse chaine en or avec une médaille de Saint-Christophe.
Le loup garou des histoires et légendes vaudou fonce sur Jeff !
La peur le réveille, comme par réflexe il saisit un couteau sur la table et blesse le chien à
l’épaule droite. Le sang perle, une lumière intense éblouissante envahi instantanément toute la pièce. La bête hurle et se transforme soudain en un homme brun trapu. 
Il sourit, remercie alors Jeff chaleureusement de l’avoir délivré, en le blessant, de la malédiction vaudou et de l’énorme culpabilité qui le tenaillait. 
L’homme tourne les talons et quitte le restaurant tranquillement. 

Jeff est sidéré, sous le choc de cette rencontre improbable. Puis il ressent comme un déclic, c’est comme sortir enfin d’un cauchemar, d’un mauvais rêve. 
Son esprit se libère, il revient à la vie. 
Il songe à la brume matinale flottant sur le bayou qui s’estompe quand les premiers rayons du soleil commencent à réchauffer l’atmosphère. 
Il se lève, titube un peu, son esprit s’éveille. Il règle l’addition. 
Le barman perçoit le changement et le raccompagne gentiment chez lui comme d’habitude. Il refuse de croire l’histoire que lui conte Jeff. Lui n’a rien vu, n’a rien entendu et refuse de s’aventurer en terrain Vaudou.

Rentré chez lui, Jeff s’endort enfin paisiblement pour la première fois depuis des mois. 

Au réveil, l’esprit clair, plusieurs décisions s’imposent à lui. 
Il va ranger et réorganiser toute la maison, transformer la décoration. 
Il désire aussi pouvoir reprendre son travail très rapidement. 
Enfin, il décide de vendre sa voiture de collection.
Cette vente signera l’acceptation de la perte de son épouse, la sortie de la mélancolie, et inscrira à jamais dans sa mémoire cette magnifique histoire d’amour vécue.

La semaine suivante, sa famille et ses amis se réjouissent de le voir, très actif, reprendre pied dans la vie.

Jeff garde le secret de sa transformation, et retrouve sa pleine énergie . Il n’oublie pas Lucie mais la douleur s’estompe…

(1)J’utilise le terme français Cadien plutôt que le terme Anglais Cajun.